mercredi 2 février 2011

Zine el-Abidine Ben Ali


Carrière

Quatrième d'une fratrie de onze enfants8, Zine el-Abidine Ben Ali naît au sein d'une famille modeste de la petite ville d'Hammam Sousse, puis effectue ses études secondaires au lycée de garçons de Sousse et intègre les structures locales du Néo-Destour.Hédi Baccouche, jeune militant du Néo-Destour, emprisonné par les Français au centre de détention de Zaarour en 1952, jouit en1956, date de l'indépendance, du prestige nécessaire pour aider Ben Ali à rejoindre les rangs de la jeune armée tunisienne. Le parti est à l'époque en train de préparer une liste de candidats sélectionnés pour une formation militaire en France. C'est dans ce cadre qu'il est diplômé de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, puis de l'École d'application de l'artillerie de Châlons-sur-Marne. Il part ensuite aux États-Unis où il suit les cours de la Senior Intelligence School de Fort Holabird (Maryland) et de la School for Field and Anti-Aircraft de Fort Bliss (Texas). Il devient également ingénieur en électronique.
De retour en Tunisie, il est affecté au service du général Kefi2. Une zone d'ombre entoure les circonstances de sa rencontre avec la fille de ce dernier, Naïma, qu'il épouse en 1964, année durant lesquelles il a la charge de la création de la direction de la sécurité militaire qu'il dirige durant dix ans. Il devient ensuite attaché militaire au Maroc en 19748, puis en EspagneMohamed Mzali, devenu ministre de la Défense, l'intègre dans son cabinet. En janvier 1978, à l'occasion de la crise du « Jeudi noir », le Premier ministreHédi Nouira le nomme à la tête de la sûreté générale8. Il la quitte en avril 1980, après les événements de Gafsa, et occupe ensuite le poste d'ambassadeur de Tunisie en Pologne8.
Rappelé à Tunis après les émeutes sanglantes de janvier 1984, Zine el-Abidine Ben Ali est promu, le 29 octobre, patron de la Sûreté nationale8. Le 23 octobre 1985, le président Bourguiba lui confie le ministère de la Sûreté nationale, nouvellement créé. Il devient ministre de l'Intérieur le 28 avril 1986 tout en gardant la tutelle de la Sûreté nationale. Il intègre deux mois plus tard le bureau politique du Parti socialiste destourien (PSD) dont il devient secrétaire général adjoint. Après le départ de Mzali en juillet de la même année, il garde ses fonctions au sein du gouvernement de Rachid Sfar. En mai 1987, il est promu ministre d'État chargé de l'intérieur, puis Premier ministre le 2 octobre de la même année8, tout en conservant le portefeuille de l'Intérieur. Il devient secrétaire général du PSD et se confirme ainsi comme possible dauphin de Bourguiba affaibli par la maladie et la vieillesse.

Prise du pouvoir

Au matin du 7 novembre 1987, Ben Ali fait jouer l'article 579 de la constitution tunisienne et, sur la foi d'un rapport médical signé par sept médecins attestant de l'incapacité du président Habib Bourguiba d'assumer ses fonctions, le dépose pour sénilité. Il devient, en tant que successeur constitutionnel, président et chef suprême des forces armées. Dans une déclaration faite à la radio nationale, il annonce sa prise de pouvoir et déclare que « l'époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie ni succession automatique à la tête de l'État desquels le peuple se trouve exclu. Notre peuple est digne d'une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la pluralité des organisations de masse »10. L'action est par la suite justifiée par le fait que des mouvements intégristes préparaient un coup d'État et détenaient une liste de personnalités à assassiner11. De plus, le rapport médical venait confirmer l'incapacité de Bourguiba à continuer à assumer les plus hautes charges de l'État, ce que Mezri Haddad résume ainsi :
« Officiellement âgé de 84 ans, Bourguiba s'endort quand il reçoit un hôte étranger ; sous l'influence de ceux qui guignent la présidence, il chasse le lendemain le ministre qu'il a nommé la veille, il admet le remaniement ministériel proposé par son Premier ministre pour se rétracter quelques heures après… Pire que tout, il exige la révision du procès de l'intégriste Rached Ghannouchi (et la condamnation à mort de ce dernier) : « Je veux cinquante têtes […] Je veux trente têtes […] Je veux Ghannouchi »12. »
Pour Mezri Haddad, ce fut simplement « un acte de salubrité publique »12. Pourtant, dans leur livre Notre ami Ben Ali, les journalistes Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi donnent une autre version des événements :
« Sept médecins dont deux militaires, sont convoqués en pleine nuit, non pas au chevet du malade [Bourguiba], mais, là encore, au ministère de l'Intérieur. Parmi eux se trouve l'actuel médecin du président, le cardiologue et général Mohamed Gueddiche. Ben Ali somme les représentants de la faculté d'établir un avis médical d'incapacité du président. « Je n'ai pas vu Bourguiba depuis deux ans » proteste un des médecins. « Cela ne fait rien ! Signe ! » tranche le général [Ben Ali]13. »
Cette prise de pouvoir est appelée « révolution au jasmin »14.

Présidence

Action politique

Premier mandat et élection de 1989

Il prend dès lors en main le PSD, en renforce la cohésion et le transforme en Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), jusqu'a ce qu'il en soit lui-même exclu après la chute de son régime en janvier 20111. À la tête de l'État, il en commence la restructuration : la constitution amendée supprime la présidence à vie et limite le nombre de mandats présidentiels à trois, disposition qu'il fera abroger en 2002.
Une loi sur les partis politiques est adoptée et de nouveaux partis sont reconnus alors que les tribunaux d'exception et la fonction de procureur général sont supprimés. Le nouveau président cherche à apaiser le climat politique, notamment en assurant une ouverture vers les associations, dont la Ligue tunisienne des droits de l'homme, et en établissant des contacts avec les partis de l'opposition. Un pacte national rassemblant les différentes formations politiques et sociales du pays à l'exception des islamistes est signé le 7 novembre 1988et engage ses signataires au respect de l'égalité entre les citoyens des deux sexes, des acquis du Code du statut personnel, des principes républicains et du refus d'utiliser l'islam à des fins politiques.
Aux élections législatives du 2 avril 1989, les candidats de l'opposition, notamment les islamistes inscrits comme indépendants, obtiennent environ 14 % des suffrages voire 30 % dans certains quartiers populaires de Tunis15. Lors de la présidentielle tenue le même jour, étant le seul candidat, Ben Ali est élu avec 99,27 % des voix. Rapidement, des incidents dans le quartier de Bab Souika, en plein centre de Tunis, sont attribués aux islamistes du parti Ennahda. L'éditorialiste américaine Georgie Anne Geyer rapporte ces faits de la manière suivante :
« Vers 1990, les islamistes provoquèrent de nouveaux affrontements pendant que Saddam Hussein envahissait le Koweït et que l'ensemble du monde arabe vacillait. En 1991 […] les islamistes manifestèrent en force, avec des grèves et des affrontements violents avec la police dans les universités. La terreur gagna alors les campus de Tunis, de Sousse et de Kairouan. Puis, le 17 février 1991, à quatre heures du matin, alors qu'il faisait encore nuit, un groupe d'islamistes occupa un bâtiment public de Tunis qui symbolisait le gouvernement et y mit le feu […] Les islamistes avaient abandonné deux gardiens de nuit, pieds et poings liés, dans le bâtiment en flammes. Ceux-ci furent horriblement brûlés dans l'incendie et l'un d'entre eux succomba à ses blessures. Pour la grande majorité des Tunisiens modérés et respectables, cet événement marqua un tournant inexorable. Ce printemps-là, alors que de nouveaux affrontements se produisaient, les Tunisiens découvraient avec stupéfaction que les islamistes avaient abondamment infiltré l'armée, la garde nationale et la police16. »
Le 28 septembre 1991, les autorités annoncent la découverte d'un « plan islamiste visant à la prise du pouvoir » et organisent des procès durant l'été 1992. Des ONG accusent alors la justice tunisienne de ne pas respecter tous les droits des condamnés pendant que les autorités invoquent le devoir du gouvernement de garantir la paix et la sécurité des personnes et de leurs biens et d'assurer la paix sociale et la stabilité des institutions nécessaires à la bonne conduite de tout processus démocratique. Accusé de s'opposer ouvertement au principe d'un État républicain en préconisant un État islamique, et à des lois tunisiennes comme le Code du statut personnel, le parti islamiste n'est pas reconnu et, accusé d'enfreindre le code des partis politiques, tombe dans la clandestinité.

Élection de 1994 et deuxième mandat

Le processus de démocratisation et de normalisation de la vie politique ralentit sans être ouvertement abandonné : un Conseil constitutionnel voit le jour et le Code électoral est révisé à plusieurs reprises « pour garantir la transparence des scrutins et accroître la participation des citoyens, ainsi que la représentativité des partis politiques »17. Afin d'accroître la représentation parlementaire de l'opposition légale, un quota minimum de 20 % des sièges de la Chambre des députés lui est réservé18. Le 20 mars 1994, Ben Ali est candidat unique à sa propre succession et est réélu avec 99,91 % des voix. Dans un souci officiel de consacrer le pluralisme politique, un amendement constitutionnel spécial exempte les candidats à la présidence de l'obligation constitutionnelle de parrainage par des élus.

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