dimanche 30 janvier 2011


Paléolithique[modifier]

Moustériens[modifier]

Hermaïon d’El Guettar exposé au musée national du Bardo
Les premières traces de présence humaine en Tunisie datent du Paléolithique. C’est à 20 kilomètres à l’est de Gafsa, dans l’oasis d’El Guettar, que se rassemble une petite population nomade de chasseurs-cueilleurs moustériens10Michel Gruet, l’archéologue qui découvre le site, relève qu’ils consomment des dattes dont il retrouve le pollen aux alentours de la source11 aujourd’hui asséchée12. Le site en lui-même livre une structure formée par un amas de 4 000 silex12, taillés en sphéroïdes et disposés en un cône d’environ 75 centimètres de haut10 pour un diamètre de 130 centimètres. Ces pierres sont associées à des ossements de capridés13, à des dents de mammifères12 et à des objets de silex taillé moustériens ainsi qu’à une pointe pédonculée atérienne.
Cette construction, découverte vers les années 1950 et vieille de près de 40 000 ans, constitue le plus ancien édifice religieux connu de l’humanité10,12. Gruet y voit une offrande à la source voisine et le signe d’un sentiment religieux ou magique13,14. L’endroit est connu sous le nom d’Hermaïon d’El Guettar en référence aux pierres jetées aux pieds d’Hermès par les divinités olympiennes lors du meurtre du GéantArgos10. Cette pratique était une manière pour les dieux de se prononcer pour l’innocence d’Hermès10.

Capsiens[modifier]

Pour consulter un article plus général, voir : Capsien.
À une culture ibéromaurusienne, répartie sur le littoral15 et relativement minime en Tunisie16, succède la période du Capsien, nom créé par Jacques de Morgan et issu du latin Capsa, qui a lui-même donné le nom de l’actuelle Gafsa17. Morgan définit le Capsien comme étant une culture allant du Paléolithique supérieur au Néolithique, couvrant ainsi une période qui s’étend du VIIIe au Ve millénaires av. J.-C.18. Selon Charles-André Julien, « les Protoméditerranéens capsiens constituent [...] le fond du peuplement actuel du Maghreb »19 alors que, selon les termes de Gabriel Camps, un groupe d’archéologues avaient négligé des squelettes capsiens, croyant qu’il s’agissait d’intrus récemment inhumés :
Localisation du noyau à l’origine de la culture capsienne
« Un de ces crânes séjourna même un certain temps dans le greffe du tribunal d’Aïn M'lila, une petite ville d’Algérie orientale, car on avait cru à l’inhumation clandestine de la victime d’un meurtre !20 »
D’un point de vue ethnologique et archéologique, le Capsien prend une importance plus grande puisque des ossements et des traces d’activité humaine remontant à plus de 15 000 ans sont découverts dans la région. Outre la fabrication d’outils en pierre et en silex, les Capsiens produisaient, à partir d’ossements, divers outils dont des aiguilles pour coudre des vêtements à partir de peaux d’animaux. Le gisement capsien d’El Mekta, identifié en 1907 par Morgan et Louis Capitan21, a révélé des sculptures en calcaire de forme humaine mesurant quelques centimètres de haut22. Quant aux gravures que l’on a trouvées, elles sont souvent abstraites, même si certaines « représentent avec une certaine maladresse des animaux »23.

Néolithique[modifier]

Mégalithes près de Makthar
Au Néolithique (4500 à 2500 av. J.-C. environ), arrivé tardivement dans cette région, la présence humaine est conditionnée par la formation du désert saharien, qui acquiert son climat actuel. De même, c’est à cette époque que le peuplement de la Tunisie s’enrichit par l’apport des Berbères24, issus semble-t-il de la migration vers le nord de populations libyques25 (ancien terme grecdésignant les populations africaines en général26).
Bref, la question des origines du peuple berbère reste encore ouverte et soumise à débat de nos jours, mais sa présence est attestée depuis leIVe millénaire av. J.-C.25. La première inscription libyco-berbère découverte à Dougga par Thomas d’Arcos en 1631 a fait l’objet d’une multitude de déchiffrements infructueux à ce jour27. Le Néolithique voit également le contact s’établir entre les Phéniciens de Tyr, les futurs Carthaginoisqui fondent la civilisation punique, et les peuples autochtones de l’actuelle Tunisie, dont les Berbères sont désormais devenus une composante essentielle. On observe le passage de la Préhistoire à l’Histoire principalement dans l’apport des populations phéniciennes, même si le mode de vie néolithique continue un temps à exister aux côtés de celui des nouveaux arrivants.
Cet apport est nuancé, notamment à Carthage (centre de la civilisation punique en Occident), par la coexistence de différentes populations minoritaires mais dynamiques comme les Berbères, les Grecs, les Italiens ou les Ibères d’Espagne. Les nombreux mariages mixtes contribuent à l’établissement de la civilisation punique28. On trouve par ailleurs la trace d’un peuple pacifique du Néolithique tunisien dans l’Odyssée d’Homère, lorsque Ulysse rencontre les Lotophages (mangeurs de lotus) qui semblent vivre dans l’actuelle île de Djerba29.

Carthage ou l’émergence et la chute d’une puissance[modifier]

Article détaillé : Histoire de Carthage.
L’entrée de la Tunisie dans l’histoire se fait de façon fracassante, par l’expansion d’une cité issue d’une colonisation proche-orientale30. De phénicienne au départ, la cité constitue rapidement une civilisation originale dite punique.
L’expansionnisme punique dans le bassin occidental de la Méditerranée se fonde sur le commerce, même si la thalassocratie trouve face à elle l’expansion romaine à volonté continentale et hégémonique. Bien que leurs relations soient cordiales dans un premier temps, les deux systèmes ne tardent pas à s’affronter et, même si la question a pu se poser de qui allait l’emporter31, les Puniques s’effacent finalement, non sans avoir marqué de leur empreinte l’espace tunisien, que la puissance de Rome ne va pas effacer totalement.

Fondation et expansion[modifier]

Énée décrit à Didon la chute de Troiepar Pierre-Narcisse Guérin1815Paris,musée du Louvre
La Tunisie accueille progressivement une série de comptoirs phéniciens comme bien d’autres régions méditerranéennes, du Maroc à Chypre. Le premier comptoir selon la tradition est celui d’Utique32, qui date de 1101 av. J.-C33. C’est ici que prend racine une puissance fondamentale dans l’histoire de l’Antiquité dans le bassin méditerranéen. En 814 av. J.-C., des colons phéniciens venus de Tyr34 fondent la ville deCarthage35. D’après la légende, c’est la reine Élyssa (Didon pour les Romains), sœur du roi de Tyr Pygmalion, qui est à l’origine de la cité36. Il existe toutefois un doute sur l’exactitude de la date donnée par la tradition littéraire37, le débat étant alimenté par les découvertes archéologiques. En effet, les plus anciens objets découverts à ce jour sont des céramiques proto-corinthiennes de la moitié du milieu duviiie siècle av. J.-C. provenant du dépôt de fondation de la chapelle Cintas, trouvée dans le tophet de Carthage par Pierre Cintas en 1947. Néanmoins, au vu des incertitudes dans les datations des céramiques antiques, rien ne permet d’écarter la datation issue de la tradition littéraire.
Poids carré en plomb portant lesigne de Tanit, Ve-IIe siècles av. J.-C., Parismusée du Louvre
La population originelle de l’espace tunisien est libyco-berbère et, lorsqu’elle vit à proximité des comptoirs, elle se punicise dans une certaine mesure. En témoignent par exemple les découvertes archéologiques de stèles à motifs de signe de Tanit gravées de façon maladroite, en particulier sur un site comme celui de l’antique Clupea, la Kélibia actuelle. Ces maladresses évoquent une appropriation du symbolisme punique par des populations en contact avec les citoyens des comptoirs.
Ouverte sur la mer, Carthage est également ouverte structurellement sur l’extérieur. Cette croissance pacifique — autant qu’on en sache de par les sources existantes — laisse la place à une lutte d’influence qui aboutit à plusieurs cycles de conflits. Un siècle et demi après la fondation de la ville, les Carthaginois ou Puniques étendent leur emprise sur le bassin occidental de la mer Méditerranée : ils s’affirment en Sicile, en Sardaigne, auxBaléares, en Espagne, en Corse38 et en Afrique du Nord — du Maroc à la Libye —, qui est partagée entre les Grecs de Cyrénaïque et les Carthaginois y compris sur la côte atlantique du Maroc. Cette présence prend diverses formes, y compris celle de la colonisation35, mais reste d’abord commerciale38 (comptoirs de commerce, signature de traités, etc.) De plus, les Carthaginois s’appuient dans ces régions sur une présence phénicienne antérieure à la création de Carthage, sauf peut-être le long de la côte atlantique. La nouvelle puissance de Carthage supplante celle déclinante des anciennes cités de Phénicie dans cet espace de la Méditerranée.
Représentation d’un navire sur un relief romain en marbre du iie siècle trouvé en Tunisie et exposée au British Museum
De même, les Carthaginois s’allient aux Étrusques et leurs deux flottes réunies sortent victorieuses de la bataille navale d’Aléria, au large de laCorse, contre les Grecs de Massalia (actuelle Marseille). Ces derniers, venus des côtes de l’actuelle Turquie (Ionie), tentent de s’installer en Corse, île située en face de l’Étrurie et au nord de la Sardaigne, zone d’influence et de colonisation punique. Cette dernière île est également sur le trajet le plus court entre les cités massaliotes et les autres cités grecques du sud de l’Italie puis, plus loin, avec la Méditerranée orientale. C’est avec le déclin étrusque que la Corse entre dans l’orbite carthaginoise et que se forme un nouvel empire maritime.
La mutation vers un empire plus terrestre se heurte aux Grecs de Sicile puis à la puissance montante de Rome35 et de ses alliés massaliotes, campaniens ou italiotes. Le cœur carthaginois qu’est la Tunisie, à la veille des guerres puniques, possède une capacité de production agricole supérieure à celle de Rome et de ses alliés réunis, et son exploitation fait l’admiration des Romains. Les avantages de la géographie, avec en particulier les riches terres céréalières de la vallée de la Medjerda, s’ajoutent au talent agronome d’un peuple dont un traité (celui de Magon) sera longtemps admiré.
La cité-État de Carthage et les territoires sous son influence politique et/ou commerciale vers 264 av. J.-C.
Parallèlement à cette expansion — la Sardaigne est en voie de colonisation et les implantations espagnoles se consolident —, la superpuissance commerciale, maritime, terrestre et agricole est en passe de vaincre les Grecs en Sicile.

Carthage et Rome : des traités aux guerres puniques[modifier]

Article détaillé : Guerres puniques.
Les relations entre Rome et la thalassocratie punique sont d’abord cordiales, comme en témoigne le premier traité signé en 509 av. J.-C.39. Toutefois, les relations se dégradent et laissent place à de la défiance à mesure que se développent les deux cités-États, l’affrontement devenant dès lors inévitable.
La lutte entre Rome et Carthage prend de l’ampleur avec l’essor des deux cités : ce sont les trois guerres puniques, qui faillirent voir la prise de Rome mais se conclurent par la destruction de Carthage, en 146 av. J.-C., après un siège de trois ans38.
Dessin d’un cavalier numide
La Première Guerre punique, qui couvre les années 264 à 241 av. J.-C., est un conflit naval et terrestre en Sicile et en Tunisie. Elle a pour origine les luttes d’influence en Sicile38, terre située à mi-chemin entre Rome et Carthage, l’enjeu principal étant la possession du détroit de Messine. Les Carthaginois prennent d’abord la ville de Messine, ce qui inquiète les Romains, cette cité se situant à proximité des villes grecques d’Italie qui viennent de passer sous leur protection. Appius Claudius Caudex traverse donc le détroit et prend par surprise la garnison punique de Messine, événement qui déclenche le début de la guerre. Suite à ce revers, le gouvernement de Carthage rassemble ses troupes à Agrigente mais les Romains, menés par Claudius et Manius Valerius Maximus Corvinus Messalla, s’emparent des villes de Ségeste et d’Agrigente au terme d’un siège de sept mois. Après avoir conclu la paix avec les Romains, Carthage doit réprimer une révolte de ses mercenaires.
Batailles de la Deuxième Guerre punique
La Deuxième Guerre punique, dans les années 218 à 202 av. J.-C.38, a pour point culminant la campagne d’Italie : le général Hannibal Barca, issu de la famille des Barcides, parvient à traverser les Pyrénées et les Alpes avec ses éléphants de guerre. Pourtant, il renonce à entrer dans Rome. Le prétexte de la guerre avait été le siège de Sagonte par les Carthaginois car, selon le traité de 241 av. J.-C., les Carthaginois auraient dû rester au sud de l’Èbre, fleuve qui délimitait les zones d’influence respectives.
L’attentisme d’Hannibal permet finalement aux Romains, alliés à Massinissa35, premier roi de la Numidie unifiée, de contre-attaquer et de réussir à retourner le conflit en leur faveur à la bataille de Zama, en 202 av. J.-C., prenant à Carthage la totalité de ses possessions hispaniques, détruisant sa flotte et lui interdisant toute remilitarisation38. Pourtant, malgré la victoire finale, cette guerre ne satisfait pas les Romains. Poussés par la crainte d’avoir encore à affronter Carthage, ils décident, selon le fameux mot de Caton l'Ancien (Delenda Carthago est, « Il faut détruire Carthage »), que la destruction totale de la cité ennemie est le seul moyen d’assurer la sécurité de la République romaine. En conséquence, la Troisième Guerre punique (149-146 av. J.-C.) est déclenchée par une offensive romaine en Afrique qui aboutit à la défaite et à la destruction de Carthage après un siège de trois ans.
Après la Deuxième Guerre punique, Carthage retrouve lentement une certaine prospérité économique38 entre 200 et 149 av. J.-C. sans toutefois réussir à reconstituer une flotte de guerreou une armée importante. De son côté, le rétablissement de Rome, malgré ses pertes navales, permet au Sénat romain de décider d’une courte campagne destinée à amener les troupes romaines à pied d’œuvre pour le siège de Carthage, conduit par Scipion Émilien38, surnommé dès lors « le second Africain ». Le siège s’achève par la destruction totale de la ville : les Romains emmènent les navires phéniciens au port et les incendient au pied de la cité. Puis ils vont de maison en maison en exécutant ou asservissant la population. La cité qui brûle pendant dix-sept jours est rayée de la carte et ne laisse que des ruines.
Au xxe siècle, une théorie indique que les Romains ont répandu du sel sur les terres agricoles de Carthage pour empêcher de cultiver la terre, théorie fortement mise en doute, l’Afrique devenant par la suite le « grenier à blé » de Rome40, le territoire de l’ancienne cité étant néanmoins déclaré sacer, c’est-à-dire maudit.

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